Vous l’attendiez ? (ou pas), voici la suite et fin de l’aventure finement rocambolesque de notre jeune femme et son interlocuteur : encore une fois, le verbe y est mis à l’honneur !
Il fut plus prompt que moi à jaspiner[1], quoique ce fût laconique[2]. Si je réalisai alors que je le lanternais[3], j’hésitai entre adopter une attitude laudatrice – je pouvais alors le lénifier[4] – et le lazzi[5]. Je lui coulai un regard dépourvu d’indulgence : il me parut vaguement leptosome[6], non sans un œil libidineux.
S’ensuivit une singulière logomachie[7], chacun de nous s’abîmant dans une improbable logorrhée[8]. Il ne me fut guère loisible de louvoyer[9] : le malandrin[10] se mit à me lutiner[11], louant mon corsage mamelu. Je ne pouvais faire preuve de mansuétude[12] face à une telle injure ! « Margoulin[13] ! », m’écriai-je, outrée. Son œil lubrique parcourut ma personne. Il n’était là point question de marivaudage.
J’étais déjà en proie à une ire ineffable face à ce maroufle[14]. Ce dernier devint marri[15]. Son mastroquet[16] devait lui manquer, à ce matamore[17] devenu soudainement melliflu[18] !
Je voulus mettre fin à nos échanges, mais il se montra plus empressé qu’une mentule[19]. Je pensai avec mélancolie aux mirliflores[20] qui s’empressent toujours à mes côtés, leur comparant ce misanthrope. Il brandit des miscellanées[21] ! je fus comme abasourdie, pensant qu’il versait dans la misologie[22], ou tout du moins dans le misonéisme[23] !
Ma morgue[24] s’atténua et je cessai de le morigéner[25], alors qu’une seconde antérieure je voulais le mornifler[26]. Il me sembla mortifère mais… peu délicat : il se dit dans la mouscaille[27] et la nescience[28]. La munificence[29] dont je fais d’ordinaire état se manifesta. Allais-je musarder[30], cédant à la nitescence[31] qui fondit sur moi ? Notre rencontre tournait à l’oaristys[32]…
Je tentai nonobstant l’objurgation[33], sans me montrer pour le moins oblative[34]. Mes propos furent toutefois obséquieux. L’attitude de l’homme n’était guère obvie[35]. Me prenait-il pour son odalisque[36] ? son probable œnolisme[37] me revint à l’esprit. La situation n’était en rien onirique. Je le couvris quelque peu d’opprobre, récitant à voix basse une oraison[38]. L’homme se dévêtait, montrant soudain ses oripeaux[39] ! Je choisis l’ignorance.
Moult interrogations m’assaillirent. Avais-je fait preuve d’outrecuidance[40] en le patafiolant[41] ? lui semblait en pleine palingénésie[42].
Je me confondis en palinodies[43], lui en éloge panégyrique : j’étais un parangon[44] de vertu, lui pérégrinait[45]. Le son de sa voix fléchit en une péroraison[46]. Il voulut pétuner[47].
Je doutai : était-il le philistin[48], le pouacre[49] que je croyais ? certes il plastronnait[50], mais de là à le considérer comme un pleutre… S’il m’avoua être écrivain, je sus aussi qu’on le jugeait plumitif[51]. Il énumérait pléthore poncifs ; je versais dans l’affect : allais-je le poulotter[52] ? son attitude primesautière[53] me toucha, mais j’hésitais toujours devant sa privauté[54].
Je me perdais en prolégomènes[55], usant de prolepses et analepses, discourant de manière par trop prolixe voire versant dans le psittacisme[56].
Ma pudibonderie[57] était troublée et perdait en pugnacité[58]. Ecrivain, purotin[59], prosélyte… qui était ce monsieur ? Il me parut pusillanime, je devenais putativement putassière[60]. Il sembla enclin à quémander une faveur : peut-être participer au prochain raout[61] organisé par le comité dont monsieur mon père était le président ?
L’homme dodelinait de la tête, ratiocinant[62]. Il se perdit soudain en remembrances[63], évoquant sa carrière de rimailleur[64]. J’en profitai pour l’étudier de plus près, tant il avait perdu en rodomontade[65] : plutôt replet[66] finalement – quand je l’avais vu leptosome –, voire stéatopyge[67], il ne s’avérait pas si rogue[68], ni rosse[69] d’ailleurs. Ses joues étaient rubicondes[70].
Ses propos se mêlaient en un salmigondis[71]. Je le pris pour un satrape[72] déchu, tant ses mots me semblaient tantôt scurriles[73], tantôt plaintivement sempiternels. A ses côtés, je me sentis sémillante[74]. J’envisageai alors fugacement de le semondre[75] dans le manoir de monsieur mon père à qui je pourrais l’introduire.
Toutefois l’homme me serinait[76], ses paroles versant dans le sibyllin… Je finis par le considérer comme simiesque[77], je jetai alors un œil à son sinciput[78]. Rien ne me choqua, pourtant il multipliait les solécismes[79]. Après avoir énoncé quelques sophismes abscons, il se mit à soliloquer[80]. Je doutai soudainement de moi-même : étais-je finalement spécieuse[81] ? Peut-être cet homme était-il un sycophante[82] ? Avait-il spolié[83] quiconque ? souffrait-il de sternutation[84] ? avait-il été stipendié[85] ? vivait-il dans le stupre[86], le sybaritisme[87] ? je subodorais[88] quelque méfait superfétatoire[89]. Je supputais[90] quelque aventure surérogatoire[91] et surannée !
Il ne me talait[92] point ceci étant, quoiqu’il targuât un tantinet de manière des plus tartarinesques !
Et moi, drapée dans la vertu que l’on me connaît et que l’on me reconnaît, je tergiversais, priant pour la venue d’un thaumaturge[93] qui me délivrerait du mal.
Je pensais me montrer thuriféraire[94], quand j’entendis une clochette tintinnabuler. Une amie du couvent des oiseaux au bec long (le couvent, non l’amie) s’approchait. Elle jeta en œil torve à mon compagnon et se mua en truchement[95].
« Quel homme truculent[96] ! », s’indigna-t-elle. « Hortense, n’avez-vous vu cette, ce, cette tumescence[97] ? ». Je rougis et me tus. Elle s’abîma alors dans une turlutaine[98] fort injurieuse. C’est là que je réalisai qu’elle était turpide[99] ! sans doute autant que moi hélas ! la vacuité de ses propos me choquait. Elle se mit même à vagir[100] ! sa vaticination[101] me rendait valétudinaire[102]. Quelles étaient ses velléités ? Son verbiage[103] sans vergogne me rendit versatile[104]. Versait-elle dans la vésanie[105] ?
Mes humeurs vespérales avaient changé. Pourquoi ergoter ainsi sur des vétilles[106] ? je n’étais pas veule[107]. Mon amie en revanche méritait d’être vilipendée[108]. Je la laissai vitupérer[109] avec volubilité. Je me fis le zélateur[110] de l’homme qui me retenait depuis un temps fort long. Et puis soudain le vespéral silence se tut lui-même lorsque nous entendîmes une fauvette zinzinuler[111] dans les frondaisons d’un noyer : nous échangeâmes alors un sourire au pied de l’arbre frissonnant.
[1] Parler
[2] Succinct
[3] Perdre son temps
[4] Apaiser
[5] Moquerie bouffonne
[6] Longiligne
[7] Discours creux
[8] Flux de paroles
[9] Prendre des détours pour atteindre un but
[10] Voleur
[11] Taquiner (érotiquement)
[12] Disposition à pardonner
[13] Individu peu scrupuleux
[14] Homme grossier
[15] Triste, fâché
[16] Café populaire
[17] Personnage hâbleur
[18] Suave
[19] Sangsue de mer
[20] Jeune élégant prétentieux
[21] Recueils
[22] Haine du logos
[23] Hostilité au changement
[24] Contenance hautaine
[25] Sermonner
[26] Gifler
[27] Situation difficile
[28] Ignorance
[29] Grandeur dans la générosité
[30] Perdre son temps
[31] Clarté
[32] Entretien amoureux
[33] Prière pressante
[34] Qui pousse à se sacrifier
[35] Qui vient naturellement à l’esprit
[36] Femme d’un harem
[37] Alcoolisme au vin
[38] Prière
[39] Vieux habits avec un reste de clinquant
[40] Confiance excessive en soi
[41] Maudire
[42] Retour à la vie
[43] Conclusion
[44] Modèle
[45] Voyager par fantaisie
[46] Discours creux
[47] Fumer
[48] Personne de goût vulgaire
[49] Personne repoussante
[50] Parader
[51] Mauvais écrivain
[52] Dorloter
[53] Spontané
[54] Familiarité
[55] Principes préliminaires à l’étude d’une question
[56] Répétition mécanique
[57] Pudeur excessive
[58] Combativité
[59] Personne misérable
[60] Digne d’une prostituée
[61] Fête mondaine
[62] Se perdre en raisonnements subtils
[63] Souvenirs
[64] Mauvais poète
[65] Fanfaronnade
[66] Qui a de l’embonpoint
[67] Qui a de grosses fesses
[68] Coquin
[69] Dur
[70] Très rouge
[71] Mélange disparate et incohérent
[72] Homme puissant
[73] Grossier
[74] D’une vivacité, d’un entrain plaisants
[75] Convier
[76] Ennuyer
[77] Qui évoque le singe
[78] Partie supérieure de la voûte du crâne
[79] Emploi syntaxiques fautifs
[80] Parler tout seul
[81] Sans valeur
[82] Espion
[83] Dépouiller
[84] Eternuement
[85] Corrompre
[86] Débauche
[87] Recherche des plaisirs de la vie
[88] Deviner
[89] Qui s’ajoute inutilement
[90] Evaluer
[91] Supplémentaire
[92] Importuner
[93] Faiseur de miracles
[94] Flatteur
[95] Personne qui parle à la place d’une autre
[96] Qui a une apparence terrible
[97] Gonflement des tissus
[98] Propos sans cesse répété
[99] Qui a une certaine laideur morale
[100] Pousser de faibles cris
[101] Discours pompeux et répété
[102] Maladif
[103] Abondance de paroles vides de sens
[104] Qui change facilement d’opinion
[105] Folie
[106] Chose insignifiante
[107] Qui n’a aucune volonté
[108] Dénoncer comme vile
[109] Blâmer vivement
[110] Défenseur zélé
[111] Pousser son cri